L’huile, quelle pollution !

22 mars 2017
Posted in Écologie
22 mars 2017 nicolas

L’huile, quelle pollution !

pollution huile

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Une mer d’huile

 

Même sans être marin, tout le monde connait l’expression « une mer d’huile » : On caractérise ainsi la surface de l’eau d’une mer, d’un lac ou d’un étang qui soit parfaitement plane, lisse comme un miroir, parce que rien ne vient perturber sa surface. Cette expression imagée vient en fait d’une observation très concrète connue depuis la nuit des temps par tous les marins du monde : L’huile calme la mer.

mer d'huile

Ce savoir immémorial est attesté dans les récits de Plutarque et de Pline. Aussi le polymathe Benjamin Franklin  ne manqua-t-il pas de faire le lien entre ces récits et ses constatations lors de quelques trajets en bateaux au cours desquels il se rendit compte par lui même du calme apparent de la surface de la mer souillée par de l’huile. Il décida ainsi de réaliser une expérience en 1763 à Clapham : il versa dans un étang une cuillère à thé d’huile qui se répandit instantanément sur le 1/4 de la surface de celui-ci. Il répéta l’expérience plusieurs fois toujours avec le même succès tant qu’il déversait l’huile « sous le vent » et non « au vent ». Enhardi par ces succès et par quelques témoignages, il imagina même de développer la technique de déversement de l’huile à la proue des bateaux pour leur permettre d’affronter plus facilement des mers fortes et en particulier d’accoster plus facilement. Néanmoins ses expériences se révélèrent infructueuses ce qui l’expliquera lui-même car l’huile permet simplement de réduire l’effet du vent sur l’eau mais n’a pas un impact significatif sur une vague déjà formée. Curieusement il passera du coup à côté d’un résultat physique remarquable que son compatriote Rayleigh mettra en évidence un siècle plus tard en reproduisant l’expérience : l’épaisseur d’une couche d’huile mesure 1nm ! ( 1 nanomètre ).

L’huile, ça pollue énormément… et longtemps

huile environnement

En reprenant les données de l’expérience de Benjamin Franklin nous arrivons à ¹:

" 1 Litre d’huile pollue 1 km² d’eau "

Ce chiffre en lui-même est impressionnant mais cela devient franchement effrayant lorsque l’on prend en compte les données de consommations annuelles d’huile moteur en France :  280 000 000 L (²)

Ainsi

" 1% d’huile non recyclée  ~ 2 800 000 L dans la nature ~ 5x la surface de la France "


Or même dans un pays assez « vertueux » comme le nôtre, surtout en période de crise pour la filière de recyclage du à l’effondrement des prix du pétrole qui met à mal le modèle économique de la filière et en tenant compte des nombreuses vidanges faites hors réseaux, il est plus vraisemblable d’être à 10% à 15% de l’huile* ( qui échappe au recyclage ) ce qui correspond donc à un volume de

28 000 000 L d’huile non recyclées

c’est-à-dire qu’une surface de 28 000 000 km² sera polluée ! Si nous comparons ceci à la surface de la France métropolitaine – 551 500 km², cela revient à dire que la pollution annuelle due à l’huile de vidange couvre

50x la surface de la France

Vous me direz, pas complètement à tord, que la France n’est pas recouverte d’eau et donc l’huile ne va pas directement se diffuser ainsi sur une telle surface… oui mais en pratique l’effet va néanmoins être profondément désastreux : En effet l’huile va d’abord percoler au travers de nos sols en les souillant irrémédiablement, asphyxiant³ flore et faune sur son passage dans des proportions  proprement épiques

1 L d’huile pollue 1 m³ de terre

eau pure

Et l’huile étant très faiblement biodégradable, la pollution risque d’atteindre les nappes phréatiques ( …s’il y a une nappe et suivant le type de sols, l’huile pouvant rester bloquée dans les sols ). Bien que l’huile et l’eau ne soient pas miscibles, il y a toujours un peu de diffusion de l’un dans l’autre, or même à une dose infime ( 1 part pour 1 000 000 000 – 1 milliard !), cela modifie le gout et la saveur de l’eau et rend inutilisable la nappe phréatique pour de très longues années. Ainsi même en se plaçant avec un seuil nettement plus élevé de 1 part pour 100 000 à 500 000, on arrive à

1 L d’huile contamine de 1 000 m³ à 5 000 m³ d’eau

Donc

" 1 L d’huile pollue 1 000 000 L d’eau potable"

L’huile n’étant quasiment pas oxydable ni biodégradable, cette pollution va rester pendant des centaines d’années ! Et la diffusion au travers des sols n’étant pas immédiates ( de 1m par an à 10m suivant les sols ), nous en « payerons » le coût pendant très longtemps…

 

1. ↑ Une cuillère à thé = cuillère à café ~ 2.5 cm³ – la surface polluée ~2 500 m² donc on a 1 cm³ ⇔ 1 000m² soit 1 000cm³ = 1 l ⇔  1 km² = 1 000*1 000m²
2. ↑ Centre Professionnel des Lubrifiants, données 2016 – Il est curieux d’ailleurs que les données soient publiées en tonnes et non en litres pour un liquide!
3. ↑ Les huiles de vidange contiennent de nombreux éléments toxiques pour la santé, en particulier des métaux lourds, des acides organiques, des phénols, des phtalates et des composés aromatiques parmi lesquels des hydrocarbures polycycliques aromatiques
4. ↑ Université de Picardie, DESS Qualité et Gestion de l’Eau – “Pollution et Dépollution des nappes d’eau souterraine, §3.6 Hydrocarbure”
5. ↑ et même 30% – Technique de L’ingénieur – “ Biolubrifiants – Réglementations, familles d´huiles de base, éco-propriétés et applications” – Mathias Woydt

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